
Souriant et décontracté, Sthan Kabar-Louët revient sur son parcours avec un plaisir non feint. Et pour cause ! Passionné de danse depuis son plus jeune âge et ayant la chance d’avoir une mère qui travaille dans le milieu « ma première prof de danse au Colisée de Bourail », le danseur de 37 ans semble avoir vécu plusieurs vies en une. A 14 ans il quitte sa Calédonie natale pour passer les auditions du Conservatoire National de Danse d’Avignon. S’en suivent trois ans et demi de section «danse-étude » en internat. Une période assez difficile pour le petit Calédonien « je ne viens pas d’un milieu aisé, avec le soutien de ma mère, j’ai dû me débrouiller seul en Métropole. J’allais seul faire mes demandes d’allocations, j’ai dû donner des cours de danse pour gagner un peu d’argent… ». En 1998, il passe les auditions de l’Ecole-Atelier Rudra Béjart (ndlr : l’école de Maurice Béjart est l’une des écoles de danse les plus réputées au monde) qu’il réussit haut la main et part s’installer en Suisse.
Un coup de pouce pour un grand saut
C’est à cette occasion qu’il demande et obtient le Prix d’Encouragement Artistique de la province Sud. « Je pense qu’étant donné l’impact financier que représente le départ de Nouvelle-Calédonie, il est naturel que les besoins des étudiants soient pris en charge par le pays » déclare-t-il, avant de poursuivre « l’école que j’ai choisie, bien qu’elle soit l’une des écoles les plus prestigieuses au monde, est gratuite. Le Prix d’Encouragement Artistique a contribué à me faire vivre en Suisse, à me loger… bref à m’aider pour les frais du quotidien ». Cette période laisse un souvenir indélébile dans le cœur du chorégraphe « c’était très enrichissant d’un point de vue artistique mais aussi humain » se souvient-il « beaucoup de communautés étaient réunies, dans l’école ça parlait français, anglais, espagnol… c’était très beau, et Maurice (ndlr : Béjart)était très adroit pour faire vivre cette cohésion entre les peuples à travers la danse ». L’année d’après son inscription, Sthan Kabar-Louët est pris pour intégrer la compagnie de son mentor, le « Béjart Ballet Lausanne » composé de 40 danseurs. Il va rester six ans dans la troupe, puis décide de rentrer en Nouvelle-Calédonie en 2005 s’envoler de ses propres ailes. « Après le décès de Maurice en 2007, je me suis senti la responsabilité, par attachement et par fidélité, de faire vivre son travail à travers le mien à l’autre bout de la terre. Je suis fier de cela car je pense que ça n’est pas un hasard si j’ai travaillé chez Maurice et qu’il s’est occupé de moi. La cohésion des cultures est quelque chose qui se fait naturellement ici en Nouvelle-Calédonie et de par mes origines très mélangées c’est presque inné chez moi ».
Le retour au pays
Après onze ans de vie en Europe, le petit Nouméen rentre à la maison. Professionnellement le retour est difficile pour le jeune danseur « j’ai changé de planète d’un seul coup » se souvient-il « je lançais quelque chose de complètement nouveau à l’époque et ça n’a pas été facile. Il manquait de fonds, de structure mais je n’ai pas lâché le morceau. Il faut vraiment que les institutions mais aussi les danseurs comprennent que c’est un vrai métier qui demande de l’investissement ». Il conçoit le secteur danse au sein du Conservatoire de Musique et Danse la Nouvelle-Calédonie, qui ouvre en 2012, et le fait fonctionner pendant quatre ans. Parallèlement il continue à se former (il reçoit le diplôme d’Etat d’enseignant de danse classique du Centre National de Danse de Paris en 2010 et le Certificat d’aptitude d’enseignant en danse classique, diplôme le plus élevé au niveau national, en 2013) et à monter des spectacles. Le succès est au rendez-vous et de Nouméa à Paris le public est conquis. Un conseil du pro aux jeunes qui demandent la Bourse d’Enseignement Artistique ? « Même si on est loin on peut faire des choses bien » affirme l’artiste « il n’y a pas de secret, si on bosse, on fait carrière. Toujours garder en tête qu’il ne faut pas que du talent pour ce genre de travail, il faut aussi du caractère et de la persévérance.Je suis maintenant jury expert Danse pour la Bourse et chaque année je défends les danseurs de toutes les disciplines donc n’hésitez pas ! ». Aujourd’hui Sthan Kabar-Louët ouvre sa propre école de danse classique et moderne accessible de 4 à 99 ans… ou plus. «En plus de son activité de Massothérapeute, ma maman m’a suivi dans cette aventure puisqu’elle fait partie des cinq professeurs intervenantdans la structure » sourit le directeur de « L’Avant-Scène Centre de Danse ». La boucle est bouclée.